Erika : du droit de polluer les eaux internationales

Total va-t-il être totalement blanchi ? La question est ce matin sur toutes les lèvres journalistiques. Selon Ouest-France, Libération et l’AFP, l’avocat général de la cour de cassation M. Boccon-Gibod s’apprêterait, le 24 main prochain, à annuler toute la procédure judiciaire entamée à la suite du naufrage du pétrolier Erika, le 12 décembre 1999, au large de la Bretagne. Ce dernier aurait conclu « à la cassation sans renvoi de l’arrêt attaqué en ce qu’il a été prononcé par une juridiction incompétente », car l’Erika, au moment du naufrage, était « un navire étranger se trouvant en zone économique exclusive », c’est à dire hors des eaux territoriales. Le bateau ne peut donc pas répondre des lois françaises mais dépend des lois du pays dont il porte le drapeau, Malte, en l’occurrence. Or, évidemment, les lois de ce paradis fiscal pour armateurs toujours avides de profits plus gros sont étrangement moins drastiques que la plupart des autres pays. En clair, vous pouvez polluer les eaux internationales mais uniquement sous pavillon d’un paradis fiscal. Le pays qui « bénéficiera » des retombées de la pollution n’aura que ses yeux pour pleurer.

Corinne Lepage, qui avait représenté plusieurs communes au cours du procès de l’Erika, n’a pas caché sa crainte pour l’avenir : « Je suis très inquiète de ces réquisitions. C’est une régression considérable, à la fois sur la question du préjudice écologique et de la responsabilité pénale« . Or si elle se montre aussi inquiète, c’est parce que la cour d’appel de Paris a déjà exonéré la responsabilité civile de Total et que l’avocat général propose désormais d’exclure aussi la responsabilité pénale. Elle n’a pas manqué de marquer son étonnement puisque « la chambre civile de la Cour de cassation a eu antérieurement une position contraire, jugeant que le principe pollueur/payeur était d’ordre public et s’imposait au reste ».

Si la cour de cassation suit l’avocat général, cela créerait une jurisprudence. D’où l’inquiétude exprimée par l’ancienne candidate à l’élection présidentielle : « Qui aurait après ça un intérêt économique à faire de la sécurité. Si un accident se produit en haute mer, si la responsabilité pénale ne peut être recherchée, ça veut dire qu’ils peuvent continuer à agir par cupidité, à faire des choix purement financiers au détriment de l’environnement voire de la sécurité humaine, et qu’il ne se passera jamais rien. Depuis le début, on se heurte à une connivence entre les intérêts de Total et les intérêts de l’Etat, contre les Français et l’environnement ». Noël Mamère ne dit pas autre chose, parlent de « grave recul » pour l’environnement et a déclaré que « si la cours de cassation suit l’avocat général et annule la condamnation de Total, on accorderait l’impunité à tous les pollueurs du monde ».

Cette décision n’aura, en revanche, aucune incidence sur le plan financier puisque Total a payé 200 millions d’euros sans annulation possible auxquels s’ajoute la même somme pour le nettoyage des plages et le pompage du pétrole dans l’épave soit un total de 400 millions. Soit une goutte de pétrole dans l’océan de bénéfices du groupe en 2011, de l’ordre de 12 milliards d’euros.

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