La moralisation de la vie politique

Pas une émission de télé, de radio, un seul quotidien qui ne fait pas de ce thème sa Une. Et pour cause l’affaire Cahuzac a fait des ravages au point de populariser sa désormais célèbre réplique : « Les yeux dans les yeux ». Ainsi, on s’amuse à mentir effrontément à son vis-à-vis, en prenant garde de livrer la tirade. Effet garanti !

Les répercussions sont tout simplement énormes et les ravages dans l’opinion publique bien réels. Certains journalistes « perdent la tête » comme Nicolas Demorand, à la tête de Libération qu’on a déjà connu plus inspiré après sa une sur l’hypothétique compte en Suisse de Laurent Fabius. Sur un torchon  une prétendue enquête de deux pages, le quotidien arrivait à l’édifiante conclusion suivante : « Info, intox ? Nul ne sait ». Metro[1] s’est fait un plaisir de ressortir sur son site internet de la boîte à archives les déclarations croustillantes du même Demorand qui n’avait pas de mots assez durs contre ces pseudo journalistes, en parlant d’une rumeur le concernant : « Ce sont des échos et des rumeurs qui sont imprimés comme des vérités. Les gens les reprennent le lendemain sans avoir fait l’enquête. (…) Je suis sidéré par cet aspect-là du journalisme média (…) qui est un journalisme de rumeur, d’échotier ». Nicolas Demorand aurait gagné à se relire avant de faire sa Une sur Fabius et de le contraindre ensuite à de plates excuses. Il aurait ainsi évité de se faire vilipender par ses collègues journalistes, Edwy Plenel en tête.

François Hollande s’est donc décidé hier, lors d’une conférence de presse, à jouer les pompiers de service en tentant tant bien que mal de circonscrire l’incendie, à défaut de pouvoir l’éteindre. A la clé, plusieurs mesures dont 5 grandes et une volonté de porter les principales propositions dès le 24 avril en conseil des ministres :

-         Une haute autorité de la transparence totalement indépendante devrait être créée pour surveiller les élus nationaux du pays, mais aussi certains représentants locaux, des hauts fonctionnaires, des membres des cabinets ministériels ou encore des chefs d’entreprises publiques.

-         Les ministres devront publier leurs déclarations de patrimoine sous peu, rapidement suivis des parlementaires.

-         Les ministres limogés ne pourront plus prétendre à 6 mois de salaire après leur départ.

-         L’interdiction de certains métiers pour les parlementaires pour éviter les conflits d’intérêts.

-         Des sanctions renforcées pour les élus fraudeurs.

Si la plupart des mesures vont dans le bon sens, elles n’enchantent pas tout le monde. Et pour cause ! Certains élus touchent des sommes indécentes de leurs activités tierces et se voient mal se justifier de plus de 90 000 euros mensuels de revenus (Thierry Robert par exemple)… Quant à d’autres, ils n’ont pas envie de choisir entre leurs mandats de député, de maire, de cacique du parti, d’avocat ou autre (Jean-François Copé, François Rebsamen, Rachida Dati, DSK en son temps…). Les uns crient au voyeurisme tandis que les autres jurent la mesure indispensable. Et pour cause, deux pays seulement en Europe n’appliquent pas cette transparence, dont notre belle patrie évidemment. Il serait donc plus que temps de mettre fin à cette hérésie, ne serait-ce que pour vérifier qu’un élu ne s’enrichit pas de manière malhonnête pendant son mandat.

Sur l’interdiction de certains métiers, il parait en effet incompréhensible de laisser certains exercer la profession d’avocat conseil même s’ils jurent le cœur sur la main qu’il n’y a pas conflit d’intérêts. Les promesses, on a connu… On trouve de tout à l’Assemblée nationale, y compris des…journalistes ! Comme mélange de genres, on ne fait pas mieux. En revanche, on comprend aisément qu’on ne peut pas interdire à un médecin d’exercer pendant 7 à 8 ans (durée moyenne d’un mandat de parlementaire). L’idée de non-cumul de revenus paraît dans ce cas très bonne. On les entend à chaque fois jurer que c’est l’intérêt public qui les guide, la volonté de servir la nation. En limitant les revenus, on aurait un bon moyen de s’assurer qu’ils servent effectivement leur pays et non leurs propres intérêts avant tout.

En revanche, point de mesure sur le non-cumul des mandats avant la date évoquée de 2017, rompant pourtant avec la promesse de campagne présidentielle. Or les conflits d’intérêts sont pourtant légion entre des députés qui agissent bien souvent pour leur circonscription. Pourquoi interdire certains métiers au non du possible conflit d’intérêts si c’est pour autoriser le cumul des mandats ? Et pourquoi éluder un autre problème majeur : celui de la surreprésentation des élus ? Avec une assemblée nationale forte de 577 députés et un sénat comptabilisant 348 membres, un écrémage serait plus que bienvenu, c’est même totalement indispensable. La France est tout de même le pays qui compte le plus d’élus par rapport au nombre d’habitants (1/105), une aberration ! Mais de cela, François Hollande se garde bien d’en parler. Il ne faudrait pas se fâcher avec les amis de tout bord…

La royauté française a encore de beaux jours devant elle. On exécutera une ou deux têtes pour le plaisir de la foule et on rangera les ornements le temps que la crise de confiance se calme. Mais, rassurez-vous, ils seront vite de retour. François Hollande a bricolé quelques mesurettes, mais si vous observez bien la vidéo de la conférence de presse, au ralenti, vous le verrez distinctement sourire et vous adresser un bras d’honneur… Les politiques font cela depuis des siècles. Il n’y a donc aucune raison que cela change. Ni aujourd’hui ni demain. Il y a de ces changements qui attendront toujours… Pour preuve, en pleine réforme des retraites en 2010 et alors qu’on comptait près de 2 millions de personnes dans la rue pour protester contre les efforts votés par le parlement, ce dernier réformait son propre régime pour un autre beaucoup plus…clément ! Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Le slogan est immuable.

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