L’ami que plus personne ne veut connaître : Didier Migaud

Il y a des coups de génie qui prennent du temps pour parvenir à maturation. Celui-là en fait assurément partie. Tout commence le 23 février 2010. Nicolas Sarkozy, toujours à la recherche d’un bon coup dans sa politique d’ouverture décide de nommer un poids lourd du PS à la tête de la Cour des comptes, en remplacement de feu Philippe Séguin. Et il choisit, contre vents et marées, un de ses principaux opposants à l’Assemblée nationale, Didier Migaud. L’UMP crie au scandale et le PS se marre de ce cadeau inespéré. Un peu moins maintenant…

De fait, Didier Migaud n’a pas été avare en critiques à l’égard du gouvernement en place de 2007 à 2012, désespérant la majorité qui ne comprenait toujours pas cette hérésie et amenant de sérieuses crises de fou rire du côté du PS sur le thème : « Sarkozy a donné le bâton pour se faire battre ». Mais là où l’ancien Président a été particulièrement espiègle, c’est que l’homme s’est pris au jeu et n’a plus rien d’un encarté illuminé. Il a de toute façon rendu sa carte du PS et démissionné de tout mandat, comme l’exige sa haute fonction. Et comme pour prouver qu’il n’est l’ami de personne et qu’il tiendra son rôle en toute objectivité, le dernier rapport de la Cour des comptes n’a pas ménagé l’actuelle équipe en poste. Il a dernier tenu à rappeler que son rôle n’est « ni de plaire, ni de déplaire ». Message adressé à ses anciens amis qui, étonnement, rigolent beaucoup moins depuis qu’ils sont au pouvoir et sous le feu des critiques.

Le génie de 2010 encensé par ses collègues, de Laurent Fabius qui dit de lui qu’il est « extrêmement compétent » à Guillaume Bachelay qui le compare à « un Eliot Ness des finances publiques » en passant par Aurélie Filipetti qui n’hésite pas à louer ses « qualités humaines rares », devient le trublion qui vient gâcher la fête. Un député PS s’exprimait ainsi dans les colonnes du Figaro il y a quelques jours : « J’entends des collègues dire: « Migaud exagère. Il devrait se souvenir d’où il vient ». Henri Emmanuelli ne dit pas autre chose, précisant que « la Cour des comptes débordait un peu de son rôle » et ajoutant : « C’est au gouvernement et au Parlement surtout de décider le montant du déficit budgétaire, de la dette publique, ce n’est pas à la Cour des comptes. Je le dis très amicalement ». Tout aussi ‘amicale’ est Marie-Noëlle Lienemann qui dénonce une juridiction s’érigeant « en censeur du juste, du bien, des choix à faire au lieu d’une évaluation objective des comptes et des règles ». Même l’actuel ministre du Budget y va de son petit laïus.

Cependant, l’homme ne s’arrête pas à ses petites bassesses et continue son œuvre en jetant quelques jours plus tard un énorme pavé dans la mare. Il a clairement indiqué sur iTélé et sur Europe 1, dimanche dernier, une piste pour diminuer les dépenses publiques en fiscalisant les allocations familiales et les pensions des retraités : « Les prestations familiales, les allocations familiales, le fait qu’elles soient fiscalisées ou pas, c’est un sujet qui peut être mis sur la table (…) On peut considérer que c’est une prestation qui rentre dans les revenus et qui peut d’une certaine façon être fiscalisée ». De quoi faire perdre définitivement le sourire de tous ses ex-amis…

Jean-Marc Ayrault s’est même sent obligé de mettre les points sur les i par l’intermédiaire de Daniel Vaillant qui rapporte ses propos ce jour même : « La question, c’est de mieux gérer les dépenses publiques mais de le faire de telle manière qu’un certain nombre de politiques, comme celle de la famille, qui donne des résultats, ne soit pas remise en cause ». Il a aussi martelé qu’il n’y aura pas de nouveau plan de rigueur. C’est déjà un aveu en soi, car la doctrine du gouvernement a toujours été de claironner haut et fort, sur toutes les antennes, qu’il n’y a pas de plan de rigueur. Et des efforts il faudra encore en faire puisque François Hollande vient de confirmer ce que tout le monde savait, à savoir que la France n’atteindra pas les 0,8% de croissance en 2013, mais plutôt 0,2 ou 0,3%. Sachant que 0,1% de croissance signifie un trou de 1 milliard à boucher, cela promet ! C’est en tout cas la première fois qu’un gouvernement révise aussi vite ses prévisions de croissance, alors que le budget vient à peine d’être voté. Les mauvaises nouvelles n’ont donc pas fini d’affluer, au même rythme que les messages de propagande positive ! Allez, souriez, tout va bien. Et ce n’est pas moi qui le dis, c’est le gouvernement…

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